Le pouvoir de la voix by Jean Abitbol

Auteur:Jean Abitbol [Abitbol, Jean]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Social Science, Essays, Political Science, General
ISBN: 9782370730923
Google: cM7hCwAAQBAJ
Éditeur: Allary éditions
Publié: 2016-04-20T22:00:00+00:00

Une autre caractéristique essentielle à mes yeux : la voix du leader doit faire entendre les cicatrices de la vie, une vie que nous partageons, et qui n’est pas nécessairement celle d’un héros de théâtre, de cinéma ou d’opéra. C’est à cette condition que nous lui accordons notre suffrage. La voix du leader doit être une chanson qui nous ressemble. Elle a un refrain qui lui est propre, mais qui nous entraîne, comme le « Yes We Can » d’Obama, devenu le « Let It Be » de toute une génération.

De grands enfants

Entre la voix qui gouverne et la voix qui instrumentalise, la frontière est ténue pour le politique. Pour être suivi, un leader, au-delà de ses qualités personnelles, doit impérativement être en phase avec les conditions de vie de la foule à laquelle il s’adresse, parler son langage.

C’est ce que n’a pas compris Hoover. En 1932, aux États-Unis, la campagne pour la réélection d’Herbert Hoover s’est révélée en complet décalage avec la réalité du pays. Pourquoi ? Le nom de Hoover était synonyme de prospérité dans les années vingt. C’était le plein-emploi. Mais les entreprises Hoover mettent au chômage toute une population qui ne jurait que par elles et qui se sent trahie. C’est ainsi qu’au début des années trente, le nom de Hoover naguère « levier-vertu » s’est mué en « levier-poison », synonyme de perte d’emplois. Cette analyse de Clyde Miller est très intéressante, en montrant que dès lors, Roosevelt pouvait lancer son propre slogan pour une nouvelle redistribution, sa politique du « New Deal », autrement dit, le nouveau pacte.

Si cette première condition d’être en phase avec les attentes de la foule est remplie, le leader peut être tenté d’aller jusqu’à la manipulation. La foule peut facilement se laisser duper. Soumise, elle se comporte comme un adolescent, elle laisse parler l’émotion et non la raison, elle laisse parler l’illusion et non la réalité. Il existe une alchimie entre la voix qui nous gouverne et le peuple, c’est presque l’enfant qui veut qu’on lui raconte une histoire et qui veut y croire. Chez l’individu s’adressant en tête-à-tête à un autre individu, la raison prend l’ascendant sur l’émotionnel, alors que pour le leader s’adressant la foule, c’est le phénomène inverse.

Quand le mot porté par la voix du leader touche le collectif, quand la voix s’adresse à la foule et que l’individuel n’existe plus, alors cette voix devient réellement la voix du pouvoir. Les mécanismes de conservation de l’individu sont presque à néant. Les quatre pulsions agissent sur le collectif et mettent le feu aux poudres, les amorces sont la voix du pouvoir. La façon de préparer cette réaction de foule nécessite un très fort charisme, à la limite de l’hypnose. En effet, la voix emporte, galvanise et potentialise l’individu au sein du groupe. Cette force se multiplie, s’amplifie. La foule devient une meute, un monstre exubérant d’émotion : c’est « Hulk » à la puissance dix et la raison n’existe plus…

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